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4 questions sur la digitalisation de la Supply Chain

questions sur la digitalisation de la Supply Chain

Introduction

Il y a quelques années, j’ai souhaité passer un diplôme sur le pilotage de la digitalisation de la Supply Chain.

« Super, très bonne idée ! » m’a dit mon manager

« Monsieur, c’est quoi la digitalisation de la Supply Chain ? » m’ont demandé mes étudiants

« Digitaliser la Supply Chain ? Tu veux informatiser les camions ? » se sont étonné mes amis consultants, qui connaissent la digitalisation, mais pas forcément la Supply Chain, et mes amis logisticiens, qui connaissent la Supply Chain, mais pas encore la digitalisation.

A l’époque, je n’étais pas sûr de pouvoir répondre correctement à ces questions.

Pour des raisons diverses (professionnelles et personnelles), je n’ai pas pu passer le diplôme. Mais les questions posées demeurent, et je me rends compte qu’il est aujourd’hui important d’y répondre, au vu de l’ampleur prise par ce phénomène ces dernières années. En effet, la digitalisation est désormais présente dans toutes les activités économiques -non seulement dans la Supply Chain, mais également dans la finance, le marketing-, et également dans la vie de tous les jours (Administration, social, santé…).

Aussi, face aux questions essentielles (actuelles et futures) qu’on pourrait continuer à me poser sur la digitalisation appliquée à la Supply Chain, les lignes qui suivent tenteront d’apporter des éléments de réponse.

1. Qu’est-ce que la digitalisation de la Supply Chain ?

Commençons par quelques définitions.

[1] Dans le cadre du fonctionnement d’un service, d’une organisation ou d’une entreprise, la digitalisation consiste à utiliser des techniques informatiques pour transformer des opérations, des processus, ou même des métiers, afin d’optimiser leurs performances. Au sein d’une entreprise, la digitalisation d’un métier indiquera donc que tout ou partie des processus de ce métier est gérée à travers des outils digitaux. Prenons par exemple le cas des dossiers clients dans un service. Auparavant, ils étaient imprimés, conservés dans des classeurs, et disponibles uniquement pour un nombre restreint de personnes (généralement les occupants du bureau). Dans le cadre de la digitalisation, ces mêmes dossiers seront numérisés, stockés sur un serveur et mis à la disposition d’un plus grand nombre de personnes.  

[2] La Supply Chain (ou « chaine d’approvisionnement » en français), quant à elle, désigne l’ensemble des flux qui accompagnent un produit sur l’ensemble de son cycle de vie. Ces flux se décomposent généralement en 3 grandes catégories : les flux d’approvisionnement (des fournisseurs vers l’entreprise), les flux de production (échanges inter-sites au sein de l’entreprise) et les flux de distribution (de l’entreprise vers les clients). Notons qu’un nouveau type de flux a fait son apparition ces dernières années : les flux retour (reverse logistics). La Supply Chain peut également être considérée comme étant l’ensemble des opérations nécessaires à l’acheminement d’un produit depuis le fournisseur jusqu’au client final (transport, stockage, entreposage…).  

Digitalisation Supply Chain

[1] + [2] La digitalisation de la Supply Chain consistera donc à utiliser des solutions informatiques pour mieux réguler les différents flux (marchandises, informations, données financières) entre une entreprise et ses fournisseurs, clients, transporteurs, et autres partenaires. En Supply Chain comme dans toute autre activité, la digitalisation va permettre aux entreprises d’aller plus vite et d’avoir un meilleur traitement de l’information durant l’exécution de leurs opérations. Par exemple, la mise en place d’un portail dédié permet l’envoi des demandes de transport à plusieurs transporteurs, ainsi que le traitement et le classement automatique des réponses reçues. Cela représente un gain de temps considérable, en comparaison avec l’envoi individualisé par courrier électronique, voire par téléphone, à des transporteurs, ainsi que le traitement et le classement manuel des réponses des transporteurs.

2. Comment digitalise-t-on sa Supply Chain ?

Le marché des solutions digitales offre une immense variété de choix pour l’activité Supply Chain. Voici un petit tour d’horizon pour les distinguer, en fonction de certains critères :

Notoriété :

certaines solutions ont déjà fait leurs preuves, et sont durablement installées sur le marché : il s’agit des logiciels spécialisés, des plateformes collaboratives, des bourses de fret et des portails d’accès. D’autres solutions, telles que l’IoT (Internet of Things -objets connectés-), ou la Blockchain, sont nouvellement arrivées sur le marché, et séduisent de plus en plus les acteurs de la Supply Chain. Et il y a enfin les toutes dernières technologies passées dans le monde de l’entreprise, et qui sont appelées à jouer un rôle majeur dans la transformation de la Supply Chain : l’IA, les véhicules autonomes, les jumeaux numériques et les drones.

Le potentiel initial de cet outil et son amélioration continue peuvent permettre un gain temps formidable. Tel Charles Xavier, alias Professeur X, ChatGPT est un partenaire hypermnésique pouvant capter des informations à travers le monde. Même si l’outil a encore ses limites, car la justesse des réponses est à vérifier, on peut se demander si une révolution technologique est à l’œuvre.  L’avenir nous le dira.

Digitalisation Supply Chain

Coût :

en fonction des spécificités du projet, telles que les avantages recherchés, le périmètre couvert (nombre de sites à déployer), ou la taille du réseau (nombre d’utilisateurs et donc de licences à acheter), le coût de la mise en place d’une solution digitale peut aller de quelques milliers d’Euros à plusieurs centaines de milliers d’euros. Par exemple : un industriel des emballages va dépenser entre 10000 et 25000€ pour installer une application pour fluidifier la communication avec ses transporteurs, tandis qu’un géant du transport et de la logistique pourra dépenser entre 600 000€ et 1 million € pour équiper ses sites en France et à l’étranger avec une suite WMS (gestion d’entrepôt) +TMS (gestion des flux de transport).

Durée d’installation :

certaines solutions digitales sont de type « plug and play » (littéralement « brancher et activer »), ce qui signifie qu’elles sont rapides à mettre en place, et utilisables immédiatement, avec un minimum de formation (parfois assurée à distance ou en e-learning).  D’autres solutions, plus complexes, vont nécessiter des périodes d’adaptation beaucoup plus longues. Par exemple : une application de Track & Trace (suivi en temps réel) sera opérationnelle quelques semaines après le début du projet, alors que la mise en place d’un ERP chez un industriel peut prendre plusieurs mois, du fait de la multitude de modules à activer, des nombreuses applications auxquelles cet ERP sera connecté, ainsi que d’autres facteurs spécifiques aux besoins du client.

Digitalisation Supply Chain

Face à cette diversité d’offres, il n’est pas toujours facile pour une Direction Supply Chain de trouver le ou les outils qui répondront à ses attentes. C’est pourquoi ce choix devra être fait de manière analytique. Avant de se lancer, la Direction se doit de bien connaitre sa Supply Chain (périmètre, acteurs, processus et systèmes d’information en place, …) afin d’identifier les leviers d’optimisation, et déterminer de quelle manière elle souhaite exploiter ces leviers d’optimisation. Ce n’est qu’une fois cette analyse interne réalisée qu’elle pourra se lancer dans la recherche d’outils digitaux.   

La Supply Chain est, nous l’avons dit, composée de différents maillons interconnectés. En fonction de la taille de l’entreprise, des biens et services qu’elle produit, de son marché, les flux qu’elle est amenée à gérer peuvent trouver leur origine et/ou destination partout dans le monde. Prenons le cas d’un industriel français opérant dans le textile. Il peut avoir ses fournisseurs basés en Asie, ses sous-traitants en Afrique du Nord ou Europe du sud, et ses clients sur les marchés européen et américain. La digitalisation de sa Supply Chain ne suivra pas le même processus que celle d’un concurrent opérant dans les mêmes conditions (Asie, Afrique du Nord/Europe du Sud, Europe et Etats-Unis). Pourquoi ? Parce que la vision d’entreprise, les acteurs, le mode de fonctionnement ne sont pas les mêmes d’une entreprise à l’autre.

En somme, il n’existe pas de méthode universelle de digitalisation de la Supply Chain. A tailles identiques et marchés identiques, deux équipes Supply Chain différentes ne mettront pas en œuvre les mêmes procédures de digitalisation. Pour être plus précis : les distributeurs Carrefour et Auchan ne vont pas digitaliser leurs SC de la même manière, alors que leurs clients sont les mêmes. Pour un observateur extérieur, le résultat sera le même dans les deux cas (le client peut acheter son produit en magasin ou le commander en ligne), mais pour les distributeurs, la différence sera au niveau des moyens utilisés. Nous pouvons aller encore plus loin dans la comparaison : 2 entreprises concurrentes peuvent très bien installer la même solution digitale (ex : un TMS pour suivre et optimiser les flux de transport), mais l’usage qu’elles en feront sera toutefois différent. Chaque cas de digitalisation est unique, et va nécessiter ses propres modalités de mise en place. Il conviendra pour l’entreprise de faire ses choix en fonction de ses objectifs, mais également de ses moyens.

questions sur la digitalisation de la Supply Chain

3. Pourquoi est-ce important de digitaliser sa Supply Chain ?

Face à un environnement de plus en plus contraignant (pression réglementaire, exigences clients), et anxiogène (pandémie Covid 19, catastrophes naturelles, guerre en Ukraine, …), les entreprises, pour rester compétitives, ont dû apprendre ces dernières années à être plus « agiles », plus réactives. Il s’avère que maitriser sa Supply Chain, notamment grâce à sa digitalisation, est aujourd’hui un élément fort de réponse aux pressions que subit l’entreprise. Il faudra cependant faire attention à ne pas considérer la digitalisation comme une fin en soi, mais plutôt comme un moyen pour une entreprise de rendre sa Supply Chain plus efficiente.

Nous avons vu plus haut qu’il existe différentes solutions digitales. Certaines vont se focaliser sur un maillon/une activité bien précis de la chaine logistique. On aura ainsi des solutions qui vont permettre à l’entreprise d’optimiser ses approvisionnements, ou de fluidifier sa gestion des stocks, ou encore de contrôler ses ordres de transport. D’autres solutions vont plutôt s’attacher à traiter la chaine logistique dans son ensemble. Dans certains cas, on parlera de Control Towers (« Tours de contrôle »), car ces solutions sont capables de gérer les flux depuis l’entrepôt du fournisseur jusqu’à la livraison chez le client final, fournissant ainsi à l’entreprise une vision globale et intégrée de ses flux. De cette manière, l’entreprise pourra considérer sa Supply Chain non pas comme une succession de maillons qui interagissent entre eux, mais plutôt comme une ligne continue.

L’intérêt de passer au mode digital devient ainsi évident : optimiser tout ou partie de la chaine de valeurs. L’entreprise disposera alors d’une meilleure qualité de service, et d’une efficacité accrue sur ses opérations. Les bénéfices de la mise en place de ces solutions peuvent être classés en 3 catégories :

Maitrise et réduction des coûts:

En agissant sur les multiples opérations inhérentes à la gestion de la chaine logistique, les solutions digitales permettent à leurs utilisateurs de massifier les flux de transports, sélectionner les transporteurs en fonction des besoins spécifiques, contrôler les factures des prestataires, accélérer la mise à disposition des produits en entrepôt, réduire le nombre de kilomètres parcourus… Toutes ces actions, prises séparément ou cumulées, contribuent à une importante réduction des coûts de ces opérations.

La maitrise et réduction des coûts est le premier bénéfice recherché, et est également celui qui se quantifie le mieux  


Souplesse et gestion collaborative :

Grâce à des données de qualité et une meilleure circulation de l’information entre les acteurs, chaque acteur a une visibilité complète sur les flux dont il a la charge, qu’ils soient financiers, physiques ou d’information. En outre, des fonctionnalités telles que la simulation de situation, le suivi en temps réel ou les alertes et prévisions, ont pour objectif de guider l’utilisateur et lui faciliter la tâche dans sa prise de décision. Il peut désormais mieux organiser ses opérations, et anticiper des mesures ou évènements à venir. La gestion de la Supply Chain devient ainsi pro-active, et permet à l’entreprise de répondre aux exigences clients, en fournissant un service optimum. On constate également que la souplesse dans le traitement des opérations s’accompagne généralement d’une accélération des flux. Cette accélération est issue de la suppression de certaines tâches administratives, à la suite de la mise en place de solutions telles que le code barre ou la RFID. Enfin, en automatisant des taches jugées répétitives, ou en raccourcissant la durée d’exécution de certaines taches ou la durée de traitement des données, les solutions digitales libèrent du temps de travail pour les utilisateurs, et ceux-ci peuvent se repositionner sur des taches à valeur ajoutée plus élevée.

Le bénéfice ici n’est pas directement quantifiable, contrairement aux gains financiers. Il reste toutefois mesurable au niveau de la facilité et rapidité d’exécution, et surtout à travers son impact sur la satisfaction client

Décarbonation:

Au-delà des économies réalisées en groupant les commandes, en réduisant les transports à vide, ou en optimisant les stocks, les outils digitaux ont également un apport prépondérant dans la politique environnementale de l’entreprise. En effet, ces outils vont permettre à l’entreprise de piloter et suivre en temps réel la consommation énergétique de ses activités logistiques. A travers la mise en place d’indicateurs de performance et de mécanismes de reporting, l’entreprise peut également mesurer son empreinte carbone et l’impact de celle-ci sur l’environnement ; et travailler par la suite à sa mise en conformité avec ses différents engagements réglementaires (Fret 21, Stratégie Nationale Bas-Carbone,…), commerciaux (exigences clients) et citoyens (inquiétudes des concitoyens).

Bien que n’étant pas le principal bénéfice recherché, le contrôle de l’empreinte carbone est de plus en plus mis en avant par les éditeurs de solutions et par les clients qui en bénéficient, et est appelé à prendre encore plus d’importance dans les prochaines années.    

Toutes actions confondues, les réductions résultant de la mise en place de ces solutions peuvent représenter entre 5% et 20% des coûts de transport et logistique, en fonction des solutions mises en place.

Pour ce qui est du ROI, il peut aller de 3 mois, s’il s’agit d’un projet court, à plus d’un an, dans le cas d’un projet de plus grande envergure.

Le bénéfice ici n’est pas directement quantifiable, contrairement aux gains financiers. Il reste toutefois mesurable au niveau de la facilité et rapidité d’exécution, et surtout à travers son impact sur la satisfaction client.

4. Qui peut digitaliser sa Supply Chain ?

La digitalisation n’est pas une question de taille de l’entreprise ou de secteur d’activité, mais plutôt une question de volonté de l’entreprise : volonté de garantir la satisfaction client, volonté d’améliorer sa performance économique, volonté de décarboner son activité. De fait, toute entreprise qui produit des biens et services, et qui de ce fait a recours à des prestations de transport et logistique, peut utiliser la digitalisation pour optimiser sa Supply Chain. En termes de taille, cela concerne donc aussi bien les ETI que les PME ou les grands groupes. En termes de secteur d’activité, la digitalisation n’est pas réservée à un type particulier d’acteurs. Les transporteurs, les prestataires logistiques, les industriels ou encore les distributeurs peuvent tous prétendre à la digitalisation de leurs Supply Chain.

S’il est vrai que n’importe quelle entreprise ayant une Supply Chain peut décider de la digitaliser, le mode de digitalisation va toutefois varier d’une entreprise à l’autre, et va dépendre de différents facteurs :

Digitalisation Supply chain
  • Le budget que l’entreprise est capable d’allouer à la digitalisation : il faudra pour cela répondre à des questions telles que : quel niveau d’investissement, et pour quel ROI ? Le projet fait-il partie des priorités de l’entreprise ?

  • Le degré de maturité des ressources internes en matière de NTIC : des équipes Supply Chain qui utilisent déjà des applications technologiques seront plus rapidement à l’aise dans le maniement de l’outil digital, par rapport à des équipes peu au fait des solutions technologiques

  • Le contexte dans lequel évolue l’entreprise : l’écosystème de l’entreprise (clients, sous-traitants, fournisseurs, …) est-il capable d’intégrer un environnement 100% digital ? Ou faudra-t-il au contraire adopter un mode hybride, afin de ne pas perdre certains partenaires ?
Digitalisation Supply Chain

Voici donc, en quelques questions, un rapide aperçu de ce que représente la digitalisation dans le domaine de la Supply Chain. Tout ceci reste bien entendu une vue d’ensemble, destinée à donner des éléments de base. La meilleure information restera toujours la pratique sur le terrain, ou la formation.

Je conclurai en disant que maintenant que j’ai écrit cet article, mon manager se demande si j’ai encore besoin d’une formation sur la digitalisation de la Supply Chain.     

A propos de l’auteur

Tamiéko BIYIHA est titulaire d’un DEA en Transport et Logistique. Il collabore à l’amélioration de la performance opérationnelle de la Supply Chain des entreprises.

Son parcours l’a amené à travailler avec des Directions Métier, des DSI et des éditeurs, et lui a permis d’acquérir une vision complète des différents aspects de la gestion de projets.

Tamiéko BIYIHA intervient chez les clients pour les accompagner dans la mise en place de solutions logistiques et informatiques au sein de leurs organisations.